Flavio Paolucci, “Oggetto”, 1986 / Photo: Dabbeni

Flavio Paolucci

Dessin, relief, objet et sculpture

Il n'est pas facile de ranger les travaux de Flavio Paolucci dans l'un ou l'autre mouvement parallèle qui a fait parler de lui ces derniers temps, ce que la critique essaie régulièrement de faire. Les emprunts à la nature, depuis l'objet trouvé jusqu'à l'œuvre élaborée, ne permettent guère une intégration dans le mouvement de l'Arte Povera turinois ou romain. Pour ses représentants, le concept en soi était et est aussi important que l'image apparente du concept.

Naturellement, il y a des parentés de matériaux. Ainsi la suie comme élément figuratif. Cependant, à l'inverse de Paolucci, un Kounellis par exemple fait œuvre d'art avec de la suie comme étape visible du processus de combustion. Mario Merz, lui, utilise le bois tout autrement: son arbrisseau dans l'igloo est un symbole de vie, son fagot, élément pictural et multipliable, simple résidu dans le processus de la vinification, est élevé au rang de porteur des nombres-lumière de la séquence Fibonacci ou est détourné de sa fonction et devient support souple pour les images projetées sur le mur dans un cadre de fer. Flavio Paolucci, au contraire, recherche et crée des formes dans lesquelles le processus de croissance n'est plus visible. L'élément constitutif de la suie cède le pas à la couleur qui a résulté par distillation. Il est important "biographiquement", mais n'est pas apparent dans le résultat. Ses sculptures en sont pas non plus des sculptures de sérénité. Trop dominante et trop flagrante est pour cela la volonté d'intervention formelle sur des éléments naturels qui invitent à la méditation, sur leur beauté et leur caractère éphémère. Paolucci évite aussi le trop symbolique. Naturellement il y a des allusions - comme les pavés ailés - mais de son intervention sensible et équilibrante en définitive au niveau de la surface, par l'addition des fragments de papier et par les incisions schématisantes dans le bois, résulte infailliblement pour l'œil une relation-retour au bidimensionnel.

Cette insoumission aux lois de la pesanteur, cette singularité donc des liaison et projection d'une surface à l'autre, font la grande qualité des travaux de Flavio Paolucci. Ni sculpture, ni objet, ni relief, ni dessin, et pourtant tout cela à la fois, ils restent retenus là où ils sont lourds et forts là où ils sont légers: enquêtes sur la fragilité des interventions et des équilibres instables comme harmonisations. La synthèse de telles réflexions analogiques, je l'ai trouvée dans un travail sur carton, datant de 1984. Il y a sur cette feuille sans titre, jeté là par l'élan de la main avec du pastel gras combiné de suie diluée à l'eau, de gouache et de térébentine, une image - escargot, bouclier, armoirie? - ou mieux la projection d'une ombre et sa transformation en objets, chemins et espaces. L'arbitraire des agencements formels tridimensionnels s'explicite dans la surface. Et ainsi il me semble, si un pronostic est permis, que l'évolution actuelle de Paolucci est une progressive transformation des contours précis de sa pensée en une délicate accentuation de l'indicible signifiant.
Texte: Harald Szeemann (traduit de l'allemand)
Extrait du texte intitulé "De la peau au corps - aller et retour", in Flavio Paolucci, Edizioni d'Arte Dabbeni, Lugano, 1987
 

Flavio Paolucci, “Oggetto”, 1986 / Photo: Dabbeni

Flavio Paolucci, “Oggetto”, 1986 / Photo: Dabbeni

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