Adrien Missika
Amexica
Le Centre culturel suisse présente Amexica, un projet inédit d’Adrien Missika issu d’un périple le long de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. L’exposition, coproduite par le CCS, est constituée de quatre œuvres, et accompagnée d’un livre d’artiste qui paraîtra fin mai.
L’œuvre centrale de l’exposition est une vidéo, As The Coyote Flies, projetée sur un écran suspendu, dans une configuration spatiale spécialement conçue avec l’artiste, et accompagnée par une création sonore du musicien Victor Tricard. Elle présente un montage des onze tentatives de vol par-dessus la frontière qu’Adrien Missika a réalisées avec un petit drone télécommandé de type quadcopter. Le drone, objet technologique issu du domaine militaire est désormais accessible à tous. Il est utilisé ici pour filmer une zone extrêmement sensible, et donc très contrôlée, y compris par des drones américains. L’idée de l’artiste est donc de faire passer ce drone pour un coyote - surnom donnée aux passeurs de migrants mexicains -, en survolant la barrière qui marque la frontière. Les vols ont été réalisé au début 2014 des deux côtés de la frontière, entre Ciudad Juárez et Tijuana sur la côte Pacifique, deux villes mexicaines distantes d’environ 1’500 km.
Une affiche, imprimée en offset trois couleurs et présentée sur une palette, annonce le film As The Coyote Flies. Il s’agit aussi d’une œuvre multiple, imprimée à 2000 exemplaires, que les visiteurs peuvent emporter gratuitement. Même si As The Coyote Flies est sa vidéo la plus connotée politiquement, Adrien Missika garde un vif intérêt pour le monde végétal. En attestent deux autres œuvres, qui se focalisent sur l’agave et le cactus, des plantes particulièrement significatives pour la région frontière entre le Mexique et les États-Unis, surnommée Amexica. La vidéo Saving an Agave est projetée sur le mur situé au-dessus du foyer du CCS. Matière première de la tequila et du mezcal, l’agave est considérée comme la plante nationale au Mexique. Majestueuse et parfois centenaire, elle est monocarpique, c’est-à-dire qu’elle ne fleurit qu’une fois dans sa vie, puis elle meurt après sa floraison. Suite à la rencontre avec une cultivatrice d’agave, Adrien Missika a appris qu’on pouvait sauver la plante en coupant sa fleur, interrompant du même coup son processus reproductif. Bien que violent, ce geste permet de faire vivre la plante parfois trente ans de plus. Dans la vidéo qui documente cette « performance » insolite et dérisoire, l’artiste, machette à la main, tente de sauver de sa mort imminente une grande agave americana, variété choisie pour son nom hautement symbolique.
La série de photographies de cactus, traités en noir et blanc et isolés de leur contexte, est intitulée We didn’t cross the border, the border crossed us. Ce titre est tiré de Machete de Robert Rodriguez, un film populaire où l’actrice Jessica Alba, qui incarne une rebelle mexicaine, parle de ces personnes qui ont pu changer de nationalités suite à des déplacements de frontières. L’exposition pointe cette question de la migration des populations humaines mais aussi des espèces végétales. Le cactus saguaro, archétype même du cactus, que l’on retrouve par exemple dans les dessins animés de Tex Avery, est en fait une variété très rare qui ne pousse qu’en Arizona, et plus précisément au Saguaro National Park, et dans le nord du Mexique. Ces cactus ont une croissance très lente et peuvent vivre jusqu’à 150 ans. Ils sont implantés des deux côtés de la frontière, car certains étaient au Mexique avant que les Etats-Unis ne rachètent une partie des territoires mexicains en 1854 et déplacent ainsi la frontière. Tout comme les papillons monarques qui migrent chaque année du Canada vers le Mexique, les végétaux ne tiennent pas compte des frontières dessinées par les humains.
Parution d’un livre d’artiste consacré au projet Amexica, coédition CCS / éditons Periferia, avec le soutien de la Fondation Georg et Josi Guggenheim.
À l'occasion du vernissage, lancement du livre d'Adrien Missika, Botanica, éditions Fond cantonal d'art contemporain de Genève, textes de Saâdane Afif, Mathis Collins, Quinn Latimer, Vanessa Safavi, Jerszy Seymour, Benjamin Valenza et Rebecca Zlotowski.
En partenariat avec Les Inrockuptibles