Fred-André Holzer, Philippe Monod, Loul Schopfer
Travaux récents sur papier
Fred-André Holzer, aquarelles grand format - Philippe Monod, "L'Œuvre de terre", pastels sur papier grand format - Loul Schopfer, dessins à la mine de plomb et sculptures.
Le Centre Culturel Suisse expose trois artistes romands: Loul Schopfer, Fred-André Holzer et Philippe Monod, qui appartiennent à trois générations différentes mais semblent partager le même souci: rendre visible la sensation d'une chose vue, un visage, un arbre, un paysage, une ville qui s'étend sur une lagune ou sur des collines. Leurs tableaux et leurs dessins ont l'air d'avoir échappé aux déchirements de l'art aujourd'hui. Mais rien de ce qu'ils montrent ne donne l'impression lassante du déjà vu, ni celle de regret du passé.
Loul Schopfer est née au Sentier en 1922 ; elle a acquis sa formation esthétique avant la guerre - bien qu'elle ait commencé par faire des études musicales et qu'elle soit entrée aux Beaux-Arts de Lausanne qu'en 1944. Elle dessine au crayon des visages qui émergent d'un lacis de traits, comme d'un nuage. On la sent acharnée à percer un secret, non pas celui de la ressemblance, mais celui de la première vision qui en dit parfois plus que la longue fréqentation d'une personne.
Fred-André Holzer est né à Moutier en 1935 ; il a grandi dans une région où pénétrait l'esprit de l'école française d'après-guerre. Il peint inlassablement des vues de Venise ou de Sienne, à l'aquarelle, avec une habileté diabolique; il joue des blancs du papier, des reflets, des mouvements. On a d'abord envie de résister à la séduction de son maniérisme, de sa précision, de sa virtuosité à déployer les maisons et les toits dans des perspectives aériennes spectaculaires. Et puis, vient le moment où on aperçoit le jeu de la construction, la fascination d'un motif répété - la maison, le palais, la rue - qui finissent par donner une composition indépendante de la réalité qui lui a servi de point de départ. Hozler joue, comme un enfant jouerait avec des cubes sur un tapis coloré ; il jouit du vertige infini des dispositions possibles.
Philippe Monod est né à La Chaux-de-Fonds en 1954 ; il a été confronté à une période pendant laquelle la définition des genres artistiques a explosé, une période où les jeunes artistes - pour pouvoir se distinguer dans le nombre croissant de ceux qui pensent avoir la vocation - se sont lancés éperdument dans une fuite en avant. Philippe Monod propose une série des grands pastels intitulés "L'Œuvre de terre". Il va son chemin. Il capture la lumière du grain sur le sol, sous les branches, quand les heures changent. On pense aux Cathédrales de Rouen de Monet : la même volonté de saisir les petits changements, le même systématisme qui dérive vers la poésie. Monod essaie d'enfermer quelque chose d'immatériel dans ses tableaux poudreux comme on essaierait d'attraper le ciel avec la main.
Contempler le monde d'un regard tranquille, c'est donc encore possible? Trois artistes, trois générations, mais une obsession d'agripper le réel avec ces vieux moyens qui n'ont pas dit leur dernier mot - crayon, aquarelle, pastel. Une même attitude, penchée sur l'ouvrage. Et les mêmes gestes répétés qui finissent par faire surgir une image. Ils ont la sagesse du jardinier, qui met modestement de l'ordre dans un monde dont la logique se dérobe à nos yeux.
Laurent Wolf
Le Nouveau Quotidien, jeudi 22 mai 1997
(Retrouvez plus d'informations dans la brochure ci-dessous.)