“Guantanamo initiative”, vue de l’exposition / Photo : D.R.

Christoph Büchel & Gianni Motti

Guantanamo Initiative

Guantanamo Initiative prend comme point de départ un problème géopolitique et juridique concernant la baie de Guantanamo située à l'extrémité Sud-Est de Cuba.

À l'issue de la guerre américano-espagnole qui se termine en 1898 avec le traité de Paris, Cuba se trouve encore dans une situation de dépendance quasi-coloniale par rapport aux Etats-Unis. En 1903, le gouvernement américain obtient de force la signature d'un accord qui officialise l'amendement Platt, amendement daté de 1901 qui confère aux Etats-Unis un droit absolu d'ingérence dans les affaires cubaines. Avec cet accord et le traité de 1934 (fin du protectorat), les Etats-Unis obtiennent une «concession permanente» pour la baie de Guantanamo et s’acquittent en échange de ces 117,6 km 2, d'un loyer annuel de $2000, (aujourd’hui $4'085). La Convention de Vienne sur le droit des traités, spécifie qu'un traité est caduc dès lors qu’il a été obtenu sous la menace ou l'usage de la force. La communauté juridique internationale stipule également que les contrats perpétuels ne sont pas valables, car l’on ne peut exiger d’une partie un engagement perpétuel. En 1959, après la Révolution, le nouveau gouvernement cubain demande l’annulation du bail ce que Washington refuse. En guise de protestation, la République de Cuba n'encaisse pas les chèques annuels et continue d’ exiger la restitution de la baie de Guantanamo.

Cette zone permet aux Etats-Unis de ne pas appliquer le droit américain, puisque selon leur argumentation ce territoire relève de la souveraineté cubaine. Bien que Cuba soit effectivement souverain du territoire de la baie de Guantanamo, les Etats-Unis y dispose d’une juridiction et d’un contrôle total, créant ainsi une zone extraterritoriale de non-droit où les principes fondamentaux du droit international sont bafoués. Actuellement les Etats-Unis utilisent la baie de Guantanamo comme centre d'internement et de détention pour des "combattants illégaux", ce qui est en totale contradiction avec le bail initial qui prévoient d’y établir « exclusivement des stations charbonnières ou navales, à l’exclusion de tout autre objet ». La fonction originellement assignée à ce territoire n’existe plus et en a été remplacée par une autre : la création de base extra territoriales de non droit, un nouvel ordre, permettant de ne rendre des comptes à personne. Cette situation politico-juridique a attiré notre attention et nous avons entamé une négociation avec le gouvernement cubain, afin qu’il nous loue la baie de Guantanamo, le bail conclu entre les deux pays étant désormais caduc.

Une solution pragmatique et pacifique pour remettre en cause ce bail de location, serait de permettre à une troisième partie de conclure un nouveau contrat avec le gouvernement. En qualité de nouveaux locataires, nous devrons agir face à l’occupation illégale par des procédures judiciaires nécessaires.

L’usage que nous nous proposons de faire de Guantanamo consiste à transformer cette base de non droit en lieu destiné à la promotion de la culture, contrairement à sa fonction actuelle. Nous envisageons de créer un laboratoire où la culture se trouverait au cœur des débats contemporains. Un espace culturel basé sur les échanges et le dialogue.Ce projet permettrait d’effectuer une transition vers une réintégration politique et culturelle de la baie de Guantanamo à la République de Cuba.