Staufer & Hasler Architekten en conversation avec Benoît Piéron
L’Hôpital rejoint le Palais
Conférence dans la salle commune
Cycle de quatre rencontres organisées par le LéaV-Ensa Versailles, l’École Camondo Paris-MAD, le Centre culturel suisse. On Tour. Sous la direction de Claire Hoffmann, Alexis Markovics et Annalisa Viati Navone.
La rencontre met en dialogue les architectes Staufer & Hasler avec l’artiste Benoît Piéron. Animée par Charlotte Poupon -designer et chercheuse au LéaV ÉNSA Versailles et responsable des études à L’ENSCI- cette rencontre vise à débattre sur le rôle de l’architecture dans les milieux ‘publics’ du soin. Iels s’interrogent sur le pouvoir thérapeutique de la pratique artistique, mais aussi sur l’effet humanisant et libératoire que l’art assurerait – en synergie avec l’architecture – sur les protocoles et savoirs médicaux tendant à reléguer les personnes à soigner dans le statut de ‘malades’, les soignant·e·s dans le rôle de technicien·nne·s, les visiteur·euse·s en présences ‘perturbatrices’ du fonctionnement de la machine.
Staufer & Hasler Architekten
Depuis longtemps le bureau Staufer & Hasler Architekten mène une réflexion sur les spatialités alternatives du soin, dont l’Hôpital cantonal des Grisons, à Coire peut être considéré comme l’aboutissement : un vaste complexe structuré en plusieurs ailes, comprenant également une clinique pour les enfants. Pour le studio c’est l’occasion de développer des lieux du care dans une ville diffuse qui tend à renouer le rapport avec le paysage naturel, et surtout créer des perméabilités entre la cité et la machine à guérir. En appliquant la métaphore de la forêt – qui s’étend aux alentours de la ville – les architectes ont procédé par « percées » et « clairières ». Ces porosités suggèrent aux patient.e.s et aux visiteur.euses comment se déplacer aisément parmi les nombreuses fonctions qui constituent la forêt hospitalière où les salles de traitement sont souvent situées sur des parcours labyrinthiques. Evider, libérer, ordonner, créer des pauses spatiales connotées chacune de sa propre ambiance, enchainer les espaces du mouvement (les percées) et de l’agrégations (les clairières) dans une suite continue qui s’inspire de la typologie du Palazzo, sont autant de gestes perceptibles à celles.eux qui fréquentent ces intérieurs. Comme Axel Simon l’avait remarqué en 2015 à propos du rapprochement hôpital-palais « ce n’est pas une mauvaise comparaison, si ce n’est somptuosité de matériaux coûteux, mais la fière silhouette d’un bâtiment important parce que public ».
Benoît Piéron
Benoît Piéron est né à Ivry-sur-Seine en 1983. Il vit et travaille à Paris. Atteint d’une maladie de longue durée, Benoît Piéron entretient une relation très étroite avec l’écosystème hospitalier. Il a développé une pratique s’inspire de cet environnement et cherche à donner une plasticité à la maladie. Loin de l’héroïsme romantique des métaphores habituelles de la maladie, Piéron se place dans une joyeuse zone grise. À travers son art, il s’efforce d’explorer ces territoires inexplorés, les considérant non pas comme un fardeau mais comme une source potentielle d’expression créative.
Avec son travail, il crée des moments, des installations et des objets en se penchant sur des thèmes aussi variés que la sensualité des plantes, aux frontières du corps et à la temporalité des salles d’attente.
éléments biographiques
Astrid Staufer
Astrid Staufer est architecte diplômée en 1989 de l’École Polytechnique (ETH) de Zurich, où elle s’est investie dans une recherche post-diplôme sur l’œuvre de Luigi Caccia Dominioni. En 1994 elle fonde avec Thomas Hasler l’agence Staufer&Hasler qui s’engage dans des projets de grandes envergures avec une attention particulière au paysage, aux territoires et à la culture artisanale suisse. Elle a été, et est, membre de divers commissions et groupes d’expertes pour la protection et valorisation du patrimoine et le développement des villes de Winterthur, Zurich, Bâle. A la pratique de l’architecture elle a associé l’enseignement dans plusieurs écoles d’architecture (à la Zürcher Hochschule Winterthur-ZHAW de 1997-2001 et 2004-2007) et depuis 2011 à l’Université Technique de Vienne avec Thomas Hasler.
Thomas Hasler
Thomas Hasler est également diplômé de l’École Polytechnique de Zurich, où il a préparé sa thèse de doctorat portant sur les églises de Rudolf Schwarz. A la profession d’architecte qu’il mène au sein du bureau Staufer &Hasler depuis 1994, il associe l’enseignement de la conception architecturale et de la construction : à l’Université de Genève (1999 – 2000) et avec Astrid Staufer à l’ETH de Zurich (2002 – 2004) et à l’EPFL de Lausanne (2007 – 2011). Depuis 2011, ils enseignent à l’Université Technique de Vienne dans la double chaire de construction et de conception, où Thomas Hasler codirige le département « Bâtiment et conception ».
Staufer & Hasler Architekten
L’agence se qualifie pour un large éventail de genres et d’échelles de construction différents (bâtiments publics scolaires, administratifs, sanitaires, sportifs et culturels, ainsi que logements et maisons individuelles). Leur travail s’oriente vers le local, intègre l’environnement immédiat et s’appuie sur la réflexion intellectuelle témoignée par leurs publications régulières. Parmi leurs réalisations les plus connues et célèbres figurent l’École cantonale de Wil (2001-2004), le Tribunal administratif fédéral de Saint-Gall (2008-2010), le Brandhaus de Zurich-Opfikon (2009-2011) et notamment l’Hôpital cantonal des Grisons à Coire (2015-2019). En 2015 l’agence est lauréate du Grand Prix Art / Prix Meret Oppenheim de l’Office fédéral de la culture.
staufer-hasler.ch
BENOÎT PIÉRON
Né en 1983. Vit et travaille à Paris. Benoît Piéron a passé une grande partie de son enfance à l’hôpital, un lieu qu’il doit encore fréquenter aujourd’hui. À 40 ans, Benoît Piéron a transformé une maladie apprivoisée en potentiel d’action. Artiste résident de la Collection Pinault à Lens, de la Fondation Hermès et de la Casa de Velazquez, il a exposé au Palais de Tokyo et à la Chisenhale Gallery de Londres, et a été nominé pour le prix Ricard. Dans ses sculptures, patchworks et installations, qui empruntent souvent leurs couleurs pastel au linge hospitalier, il développe une œuvre où l’univers médical se transforme en une rêverie intime, une réflexion sur l’attente, le jardin et la sensualité. Il en résulte un voyage intérieur halluciné et incertain.